LAS CONFERENCIAS TEMÁTICAS: Migration dans le cadre de la mondialisation libérale
 

 

Que faire avec un phénomène vieux comme l'humanité: celui des migrations ? Cette question éminemment politique ne cesse de se poser parce que la gestion libérale de la planète crée les conditions qui fabriquent en partie les mouvements migratoires. Il n'est plus à démontrer que les relations Nord-Sud et Est-Ouest sont très largement fondées sur moultes injustices.

Non seulement la " globalisation " en cours ne règle pas le problème. Elle l'aggrave.

La loi ne cesse d'affirmer que l'étranger ne peut entrer en France sans obtenir une autorisation. Ce qui n'a jamais empêché d'user de procédures dérogatoires et de régulariser en masse chaque fois que la France manquait de bras.

Des problèmes sociaux

Dans les années 1980, le discours peu à peu dominant a accrédité l'idée que l'immigration serait surtout un "problème".

Un tel discours provoque deux conséquences négatives :

· La première tient à ce qu'il a permis de banaliser la xénophobie bien au-delà de la seule sphère d'influence du Front national ;
· La seconde en ce que la fermeture des frontières fabrique des sans-papiers, en multipliant sans l'avouer le nombre des parias dans la société européenne.

L'illusion de la maîtrise des flux migratoires

En ce qui concerne les persécutés, y a-t-il meilleure illustration des conséquences de la fermeture que les 900 Kurdes, en majorité syriens, qui ont débarqué en février 2001 près de Fréjus, au terme d'une longue dérive en Méditerranée à bord de l'East-Sea ? S'ils avaient pu quitter le Nord de la Syrie, en franchissant les frontières des pays de l'Europe en toute tranquillité du fait du respect de la Convention de Genève par les Etats signataires, ils n'auraient pas risqué leur vie dans une épave ni contribué à la fortune de filières qualifiées de mafieuses. S'ils n'avaient pas défrayé la chronique et accosté presque devant les caméras des télévisions, ils auraient été, pour la plupart, refoulés dans l'anonymat. Il en est de même dans le Pas-de-Calais, à Sangatte, parmi les mille " réfugiés " sans statut qui se relaient, depuis des années, dans un camp d'hébergement transitoire faute d'avoir été accueillis par les pays - y compris la France - qu'ils ont traversés. Ce sont des Irakiens, des Iraniens, des Afghans qui tentent la traversée clandestine de la Manche vers l'Angleterre. Chacun se félicite de les voir fuir toujours plus loin.

Dans un monde inégal en matière de richesses et de respect du droit, les ressortissants de quelques 126 pays sont aujourd'hui soumis, par l'Europe, à l'obligation de visa selon les accords de Schengen de 1995, liste à laquelle il convient d'ajouter 22 pays supplémentaires, considérés comme étant "à risque migratoire" :

Que deviennent les époux et les enfants auxquels on interdit pendant de longues années de venir rejoindre leurs conjoints et leurs parents ;

Que deviennent les victimes de persécutions qui se voient opposer un refus de visa ou un rejet de leur demande d'asile? Que deviennent des étudiants auxquels on refuse le droit de poursuivre des études ;

Une bonne partie de ces étrangers viennent et restent clandestinement. Le mouvement des sans-papiers a amplement prouvé l'inefficacité de la fermeture des frontières, alors qu'elle induit des dégâts humains et économiques considérables.

La misère n'explique pas entièrement les migrations : Les réfugiés politiques

L'essentiel des migrations de masse résulte de guerres ou d'effondrements politiques, et reste confiné à plus de 90% à l'intérieur des pays du Sud. Les pays du Nord n'accueillent pas la "misère du monde" : on compte 125 millions d'immigrés dans le monde, et les pays du Nord en accueillent moins d'un tiers.

La politique de fermeture fait des frontières une ressource pour les passeurs et les réseaux marchands. En mars 2000, l'Organisation internationale du travail situait le chiffre d'affaires de la "véritable industrie" - souvent illégale - d'aide aux candidats à l'immigration dans une tranche de 5 à 7 milliards de dollars.

Une tolérance pour l'offre massive de travail illégal :

La délocalisation sur place

Du point de vue économique, le travail des étrangers sans titre peut être assimilé à une opération de délocalisation sur place.

Les sans-papiers travaillent dans des conditions très semblables à celles des ouvriers du tiers-monde : salaires dérisoires - dans la confection ou la restauration, 3 à 4000 francs mensuels pour 250 à 270 heures de travail - conditions de travail exécrables, durée de travail allant jusqu'à 10 ou 12 heures par jours six jours sur sept, absence de toute charge sociale, flexibilité totale. Mais comme la délocalisation s'effectue sur place, l'employeur ne supporte ni frais de transport ni primes d'expatriation. Par ailleurs, si réduit que soit leur salaire, les sans-papiers le dépensent en France : il vient donc alimenter la consommation et la croissance. Enfin, le travail des sans-papiers assure la survie de toute une série d'activités complémentaires - encadrement, conditionnement, distribution - qui sont assurées par des Français ou des étrangers réguliers, et qui disparaîtraient si la production partait à l'étranger. La délocalisation sur place est donc une opération très avantageuse, aussi bien pour l'employeur individuel que pour la collectivité, considérée comme une unité comptable.

Une tolérance de fait

La délocalisation sur place repose sur deux conditions qui doivent être simultanément remplies :

· La première est la vulnérabilité administrative des étrangers sans titre ;
· La seconde condition : on observe en réalité une application modulée et sélective de la loi, assez ferme pour maintenir les étrangers sans titre dans la peur et dans la docilité, mais assez souple pour que la grande majorité d'entre eux se maintiennent sur le territoire français et continuent d'être à la disposition des employeurs illégaux.

La police poursuit beaucoup plus activement le séjour irrégulier que l'emploi illégal.

Principes pour une politique réaliste et progressiste de l'immigration :

Pour la liberté de circulation

La Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies (1949) indique, en son article 13, que " toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ". Pour être conséquente avec elle-même, l'ONU aurait dû prévoir l'obligation pour tous les Etats de laisser libre l'entrée sur leur territoire.

Et le risque d'invasion ? Jusqu'en 1986 - on ne s'en souvient pas toujours -, il n'y avait pas d'obligation de visas pour les pays africains. Il n'y a pas eu d'invasion. Quand le rideau de fer s'est effondré, les experts nous ont annoncé le déferlement. On l'attend toujours. Quand l'Espagne et le Portugal sont entrés dans la Communauté européenne, on nous a prédit la submersion. Mais où sont-ils donc passés ?

Pour le Gisti, la liberté de circulation permettrait enfin aux migrants de ne pas se fixer indéfiniment en France et en Europe s'ils ne le souhaitent pas. On ne dit jamais que, dans de très nombreux cas, ils veulent seulement y passer quelques années, le temps de faire des économies ou d'acquérir des compétences nouvelles avant de regagner leur pays. Or, sous le régime de la fermeture des frontières, la délivrance des autorisations de séjour et de travail est si stricte qu'ils n'osent plus repartir et finissent pas tenter de faire venir leur famille avec eux, légalement de préférence, ou illégalement si leur demande est rejetée. En garantissant le droit à l'aller et au retour, la liberté de circulation facilite la fluidification des flux migratoires et favorise un véritable co-développement.

Les immigrés ne sont pas une marchandise

A la constance de la vision libérale utilitariste, nous proposons de substituer celle de l'avancée vers l'égalité des droits. Ce renversement de perspective est le levier pour "remettre à l'endroit ce que le libéralisme fait marcher à l'envers".

Comme on l'a vu, la politique de fermeture des frontières est aussi illusoire que néfaste. Sous des dehors étatistes, elle se traduit par la précarisation d'un volant important de main-d'œuvre qui satisfait les exigences du libéralisme.

Fonder la politique d'immigration sur le principe de la liberté de circulation, instaurer une stabilité du séjour, c'est-à-dire aujourd'hui la régularisation de tous les sans-papiers et le retour à la carte unique de dix ans, permettre la naturalisation sur simple demande après une certaine durée de séjour régulier, supprimer l'offre de travail illégal, lutter contre les discriminations, obtenir l'accès des étrangers aux emplois qui leur sont aujourd'hui fermés, instituer le droit de vote à tous les échelons… telles sont les conditions du renversement de perspectives que nous préconisons.

Mireille Glayman
Mireille Glayman* - Groupe d'Information pour les immigrés (GISTI)

 




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