Notes en forme de " conclusion ": Réflexions
de caractère général et sur un projet de
code de conduite volontaire soumis au Groupe de travail de la
Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits
de l'homme des Nations Unies sur les sociétés
transnationales
En 1974 le Tribunal Russell II avec Lellio Basso et le professeur
Rigaux, a posé la question du rôle et de la complicité
des multinationales dont ITT, dans les coups d'État d'Amérique
latine dont les généraux furent les instruments.
C'était aussi l'année de la création d'un
Centre sur les multinationales à l'ONU.
Pourtant ce n'était pas nouveau, Mossadegh avait été
victime de la CIA américaine au secours des Sept Surs;
Arbenz de la United Fruits, et combien d'autres. C'est cette
même compagnie, rebaptisée Chiquita Brands aujourd'hui
en faillite, qui, par ses contributions électorales,
a pu faire agir les États-Unis à l'OMC dans l'affaire
de la banane pour contrer les politiques européennes
(Lomé puis Cotonou) un peu sensibles à ce droit
que l'on qualifiait de droit au développement, puis de
droit du développement, avant de le réduire à
une condition générale de réalisation des
droits de l'Homme.
Pourquoi revenir en arrière et tenir ainsi un discours
d'ancien combattant? Ah! que nous avions raison de proposer
avec le Tiers-monde le Nouvel Ordre économique international
en 1974, le droit des peuples à l'autodétermination,
au développement, à la gestion de ses ressources
naturelles, au libre choix de son système politique et
économique. Ce n'est pas si loin tout cela.
Même si on nous traite de rêveurs ou d'utopistes,
on ne peut céder à l'air du temps, au cynisme
ambiant, à l'égoïsme érigé
en vertu, à la sanction économique comme seule
jauge du progrès humain.
Il est bon parfois de revenir sur l'histoire et de voir par
exemple ce qui s'est passé à la fin du siècle
dernier lorsque les barons voleurs américains constituaient
des empires, littéralement "hors la loi", baptisés
alors 'trusts', parce que les législations concernant
les entreprises étaient étatiques et que leurs
activités étaient devenues continentales avant
de devenir globales. Pour répondre à cette évolution,
on a procédé de deux façons: d'abord par
l'élaboration de lois uniformes progressivement adoptées
par tous les États, puis par des réglementations
nationales que permettait la " Commerce Clause " de
la Constitution. Bien sûr, il fallut attendre cinquante
ans, la grande crise et une menace de " Court Packing "
pour qu'en 1937 soit enfin acceptée l'idée toute
simple que l'État pouvait au nom du bien commun imposer
des contraintes à la propriété (1) .
N'est-ce pas ce que nous recherchons aujourd'hui, mais sans
pouvoir nous référer à cette autorité
internationale qui puisse exciper avec suffisamment d'autorité
du bien commun de l'humanité pour brider l'appétit
des transnationales; et nos forums judiciaires sont si éparpillés
et éclatés que l'on ne peut s'entendre pour en
désigner un suprême.
Cette introduction ne vise en fait qu'à me dédouaner,
afin de pouvoir avec franchise, émettre des doutes non
seulement sur la juridiction, mais aussi sur la tactique choisie
par la Sous-commission de la promotion et de la protection des
droits de l'Homme de proposer des " principes relatifs
au comportement des sociétés (2) ".
Certes l'histoire encore peut nous conforter. Rappelons-nous
le choix fait par Eleanor Roosevelt (3) et René Cassin
de proposer un Code volontaire décrivant des aspirations
plutôt que des obligations que les États n'auraient
pas assumées, misant que le temps concrétiserait
en réalité cet espoir de l'humanité. La
question reste donc, avons-nous ce temps? Et que nous en coûte-t-il
d'attendre? Quelle hiérarchie? Pour quelles normes? Avant
d'aborder la question cruciale du statut de sujet de droit international
des transnationales (4) , j'aimerais m'interroger sur la voie
choisie: Est-ce que le terrain des droits de l'homme est le
meilleur pour aborder la question de la hiérarchie des
normes en droit international et la sujétion nécessaire
mais non réalisée du droit économique international
aux impératifs du maintien de la paix et de la promotion
et la pleine réalisation de tous les droits de l'Homme
(5) ? L'aspiration pour les peuples du monde au développement
ne s'est pas traduite au niveau économique. Cet échec
progressivement constaté après 1975 a suggéré
à certains une tactique nouvelle qui serait de proposer
aux puissances capitalistes, si prétendument anxieuses
d'opposer aux Soviétiques d'alors l'exigence du respect
des droits individuels de l'Homme, que le droit au développement
était un droit de l'Homme.
Cette tactique a permis au Sommet mondial de Copenhague de
proclamer que c'est la libéralisation des échanges
qui assurerait la croissance économique qui seule garantissait
le développement devenu durable de chaque individu. Et
les États unanimes de constater, ici même à
Genève en juin dernier que finalement, cinq ans après,
ces engagements réduits n'avaient pas inspiré
leurs politiques sociales.
Allons-nous alors répéter cette tactique de transformer
un combat qui se livre sur le terrain concret des rapports économiques,
des rapports de force, des rapports d'exploitation, en un combat
pour les droits de l'Homme? Il s'agit du problème juridique
classique de qualification (6).
En proposant de réduire l'exploitation économique
(7) à sa seule dimension des droits de l'homme, ne sommes-nous
pas en train de légitimer l'oppression fondamentale dans
le dessein d'en minimiser les conséquences les plus extrêmes
et les plus fâcheuses? Peut-on reconnaître la dignité
de l'Homme qu'on exploite? Si les " gnomes de Zurich ou
de Bâle " qui hantaient les cauchemars monétaires
d'un de Gaule ont finalement triomphé, la question reste
ouverte: où trouverons-nous le rapport de force pour
leur imposer des normes? Pourquoi ajouter à l'imposante
masse des codes volontaires qui, après ceux de l'OCDE
puis la déclaration de l'OIT révisée en
2000, n'en finissent plus de s'accumuler? La politique est une
arène où se rencontrent et se rencontreront toujours
la conscience et le pouvoir. Nous avons la conscience des peuples
pour nous. Est-ce une force suffisante (8) pour imposer la sujétion
des transnationales au respect de certaines normes? Et surtout,
ne risquons-nous pas, ce faisant, de leur permettre ce à
quoi elles aspirent depuis toujours, d'échapper à
ce qu'elles nomment le "risque souverain"; d'échapper
à la souveraineté des États et au droit
international privé pour agir à égalité
avec les États dans la sphère du droit international
public, à ce sommet qu'elles occupent dans la sphère
économique? Mais s'agit-il vraiment d'un sommet, quand
on voit la hiérarchie traditionnelle des normes bousculée
par l'arrivée de l'OMC et de ses décisions arbitrales,
la Convention de Bâle sur les flux trans-frontières
de déchets dangereux écartée par une décision
arbitrale de l'ALENA (NAFTA) dans l'affaire Metalclad; les conventions
de LOMÉ ignorée dans l'affaire de la banane à
l'OMC? Il y a là une inversion de la hiérarchie
traditionnelle des normes et l'on a beau dire que la lex mercatoria
(9) reste dépendante, l'effectivité de la norme
nous oblige à constater que c'est là que se définissent
les conditions d'élaboration des rapports entre les sujets
du droit international.
Nous sommes ici en présence de deux logiques qui semblent
incompatibles: la logique du profit et celle du respect des
droits de l'Homme. Pourtant on agit comme s'il n'y avait pas
de contradiction entre l'appropriation privative du profit et
la promotion des droits. Ce postulat implique que l'on puisse
toujours créer des profits sans exploiter ni la nature,
ni l'homme.
Cette idée de profit repose sur l'appropriation individuelle
des avantages, alors que la finalité de l'action de l'État
se légitime par la protection de l'intérêt
général et du bien commun.
Certaines législations (10) nationales ont reconnu le
caractère parfois incompatible de ces deux logiques.
Mais elles deviennent explosives avec la mondialisation puisque
reconnaître la personnalité juridique internationale
aux sociétés transnationales ce serait reconnaître
à l'appropriation privée le statut d'intérêt
général puisqu'il n'y a pas, ou pas encore, au
niveau international, de structure de socialisation des risques
qui est la contrepartie du privilège de la responsabilité
limitée. Ce serait postuler résolue l'inéluctable
contradiction libérale qui fait de la concurrence son
principe et du triomphe des plus forts l'objet de l'interaction
sociale.
Ce serait encore oublier que la machine corporative repose
sur le privilège exorbitant de la responsabilité
limitée accordé par l'État, et qu'elle
a été spécifiquement conçue pour
l'accumulation du capital par le mécanisme de la privatisation
des profits et de la socialisation des risques et des coûts,
mécanisme qui n'a pas son pendant au niveau international.
Les économistes parlent de processus d'externalisation
des coûts, mais quand nous constatons les dégâts
causés aujourd'hui à l'environnement par des sociétés
dissoutes, quand nous voyons des tonnes d'arsenic se déverser
dans le Danuble ou le Grand Lac des Esclaves du Nord canadien,
(Nunavut), nous pouvons dire qu'il y a là privilège
sans possibilité de recours en responsabilité.
Cependant, on aura beau refuser de reconnaître la qualité
de sujet de droit international aux transnationales, il faudra
quand même reconnaître qu'elles sont derrière
l'épaule de ceux qui rédigent les règles.
Faut-il rappeler ici le cri du cur d'un champion de la
globalisation (11) , le USTR Charlene Barshevski de l'administration
Clinton, qui disait que le principal enjeu des rapports internationaux
était de savoir qui rédigeait les règles
et que jamais les USA n'avaient été dans une meilleure
position à cet effet. Et de claironner: " Globalization
is US " (12) .
Au risque de grossir le trait et de trahir la subtilité
de plusieurs interventions, je vais tenter de m'acquitter maintenant
de la tâche qui m'échoit de retenir les éléments
de nos débats autour de la sujétion des transnationales
aux règles de droit.
Les transnationales et le droit Nous avons pris note du projet
de code de conduite volontaire susceptible d'être proposé
aux travaux de la Commission des droits de l'Homme (13) .
D'abord qui dit code de conduite 'volontaire' se situe d'emblée
dans l'univers de l'image, de la publicité, de la légitimité
et non directement dans celui de la légalité.
L'adoption de ces codes n'a aucun effet juridique contraignant
et ne prend son effectivité pour le juriste que s'il
s'agit dans un procès en responsabilité, de démontrer
que la conduite du défendeur s'est ou non conformée
aux standards qui ont cours dans le domaine couvert par le code.
Une analogie permettra de comprendre: on adopte dans les hôpitaux
des protocoles opératoires à l'aune desquels on
mesurera la responsabilité du chirurgien qui s'en est
écarté. Le code volontaire sert donc à
délimiter les règles de l'art dont le respect
minimise la responsabilité. On comprendra donc que l'autorégulation
devient ici relativement indécente (14) puisque sa seule
utilité juridique est d'évaluer la conduite de
l'auteur de la norme s'il était poursuivi en responsabilité.
Malgré cette limite, nous avons conclu qu'il importait
que ces normes volontaires existent puisque si elles pouvaient
en certaines circonstances servir d'excuse, elles pouvaient
aussi servir d'appui à des recours en responsabilité.
Si de plus, elles devenaient obligatoires, les recours nationaux
en seraient facilités.
Mais c'est une conclusion unanime de nos délibérations
que nous ne devons en aucune circonstance reconnaître
quelque personnalité juridique de droit international
public que ce soit aux sociétés transnationales
(15) . Les sociétés sont des créatures
privilégiées de l'État national (16) qui
doivent rester comptables devant les juridictions étatiques
de droit privé, qu'elles relèvent selon les systèmes
de la compétence de l'État de leur création
ou du lieu effectif de leur siège ou de leurs activités.
C'est ici que le concept de contrôle peut intervenir pour
désigner la juridiction compétente 17 . L'action
unilatérale d'un État ne peut rendre les contrats
avec ou entre des parties privées, fussent-elles transnationales,
dépendants du droit international public (18) .
Adopter une autre règle ne permettrait pas plus de poursuivre
les transnationales internationalement, mais risquerait de leur
donner accès à des contre-mesures vis-à-vis
des États, légitimerait les tactiques de pressions
économiques sans ouverture équivalente au rôle
des États sur les transnationales. Cela justifierait
aussi la participation des transnationales à l'élaboration
des normes, et leur conférerait peut-être aussi
certaines protections réservées aux droits de
l'Homme qui leur sont déjà accordées par
certaines législations nationales (19) .
Par ailleurs, les transnationales sont soumises comme les individus
au droit pénal international si elles viennent à
en violer les règles, malgré que le Statut de
Rome se limite aux " personnes physiques ". Les professeurs
Queloz et Baigun ont examiné comment et soupesé
surtout les possibilités de la double imputation.
Le droit international privé reconnaît la désignation
de la législation applicable à un contrat, même
s'il s'agira la plupart du temps de la juridiction économiquement
dominante qui sera choisie (20) . Mais cette élection
du for ou de la législation applicable ne devrait en
aucune circonstance être évoquée pour échapper
à des règles de Jus cogens ou d'application erga
omnes en droit international public (21) .
Et surtout, en droit international public, ce sont les États
qui devront répondre du non-respect par leurs commettants
des obligations internationales (22) .
Cette règle donne cependant des résultats souvent
incompris par l'opinion publique quand il appartient à
un État de payer les dommages causés par une transnationale
qui relève de sa compétence. L'application systématique
de cette règle constituerait peut-être un levier
pour inciter les États à exercer une action préventive
dont l'actualité nous donne peu d'exemples.
Cette règle existe et est appliquée à
l'Accord de Libre-Échange Nord américain (ALENA)
où l'État est comptable de la non-application
ou du non-respect de sa législation du travail ou environnementale
par une entité soumise à sa compétence.
Là où cela devient plus contestable c'est lorsque,
comme dans le projet de l'AMI (accord multilatéral sur
les investissements) négocié à l'OCDE,
on envisageait de donner aux transnationales le pouvoir de poursuivre
en dommages pour perte d'occasion d'affaires ou de profits,
les États qui modifieraient les conditions d'un investissement,
par exemple en adoptant de nouvelles règles concernant
l'environnement. On a même vu dans les textes de négociations
qui ont fait l'objet d'une fuite pendant le Sommet des chefs
d'État des Amériques, qu'on pouvait tranquillement
considérer devoir compenser les investisseurs étrangers
pour les conséquences de l'agitation sociale (23) .
Nous avons donc fait consensus, il n'est pas souhaitable de
reconnaître les sociétés transnationales
comme sujet du droit international public. Mais ce n'est pas
parce que ce n'est pas souhaitable que cela ne se fera pas.
Notre collègue Tandon a bien démontré que
plusieurs États se transforment en agents sinon en "
complices " des transnationales, et pour le professeur
Rigaux, ces États sont moins impuissants qu'hypocrites
quand ils affirment des principes mais n'agissent pas pour les
mettre en uvre.
Comment alors forcer les États à agir? Où
rechercher tant la responsabilité des États que
celle des transnationales? Ce n'est plus ici une question d'absence
de règle de droit, mais plutôt de volonté
ou de capacité pratique d'exercer effectivement les recours
existants. Que faire lorsqu'un État refuse ou n'ose pas
exercer les recours qui seraient pourtant à sa portée
(24) ? Certes il reste un recours devant les juridictions nationales,
sachant que ce n'est pas facile.
Nous reconnaissons facilement la compétence territoriale
ou matérielle et les critères de rattachement
sont connus. Ce n'est que lorsque se posent les questions de
compétence ratione personae que la spécificité
des transnationales entre en jeu. Certains systèmes de
droit se réfèrent alors au droit du constituant,
alors que d'autres se réfèrent au lieu du siège
(25) . Au-delà du problème technique du rattachement,
c'est toute la question de savoir s'il est des cas où
la nature même des transnationales ou de leurs activités
créée un vide juridique où seul un recours
ou une juridiction de droit international public pourrait s'avérer
utile. Nos travaux n'ont pas conduit à identifier une
seule dimension de l'action des transnationales qui ne puisse
être traitée au niveau national auquel il appartient
de toute façon d'appliquer les règles de droit
international.
Cependant, chacun de nous a à l'esprit l'incommensurable
injustice qui résulte trop souvent de l'action des transnationales.
Pensons à Bhopal, aux déversements pétroliers
en mer, mais aussi aux grands travaux qui déplacent des
populations entières.
Rappelons ici un seul cas, celui de l'accident de la minière
canadienne Cambior en Guyana.
La rupture d'une digue de rétention des produits de
lessivage du minerais empoisonne gravement un fleuve dont dépendaient
la vie et la culture d'un peuple autochtone Saramaka.
Les poursuites locales s'avéraient aléatoires
et d'une efficacité douteuse devant un judiciaire à
l'indépendance peu assurée. Les initiateurs de
la poursuite au Canada, siège de la multinationale, ont
alors fait face à la batterie complète des procédures
pour les décourager et surtout les priver financièrement
des moyens de continuer leur action (26) . Le recours national
reste notre proposition, mais il est difficile et coûteux.
Espérons que la conférence de La Haye de juin
prochain sur le droit international privé nous fournira
quelques pistes de solution, par exemple l'extension du recours
de Common law en 'estopel' qui permet d'opposer à un
État ses engagements pris par ailleurs.
En attendant, il faut revoir les causes de l'échec de
la Commission de l'ONU sur les transnationales qui dépassent
à mon avis la suggestion du séminaire qu'une définition
trop étroite en aurait miné la pertinence. Il
me semble qu'un mouvement de l'opinion publique internationale
conteste les prétentions actuelles du grand capital et
la privatisation du droit public. Au-delà du contractualisme,
il existe une quête pour une participation démocratique
nouvelle qui réintroduit le politique dans les rapports
économiques internationaux. C'est là que réside
une exigence nouvelle qui forcera l'économie à
se mettre à l'écoute sinon au service de la démocratie.
Georges A. leBel
Professeur à la Faculté des sciences juridiques
de l'Université Québec, Montréal, Canada.
Séminaire de travail:
Les activités des sociétés transnationales
et la nécessité de leur encadrement juridique
Céligny, Genève, 4-5 mai 2001.
Edition : CETIM/AAJ
Notes
1. Ce sont principalement les États constituants qui,
dans les fédéralismes nord-américains (USA,
CANADA et MEXIQUE) confèrent la personnalité juridique;
mais une fois cela fait, les entités constituées
bénéficient d'une capacité globale, identique
à celle des personnes physiques, et leur réglementation
nationale repose sur le principe de la réciprocité
de traitement entre les différents États de la
nation.
2. Le dernier rapport du président El-Hadji Guissé
porte la cote E/CN.4/sub.2/2000/12, 28 août 2000.
3. " The major strategic decision of Eleanor Roosevelt
as chairman of the committee was to give priority to the formulation
of a nonbinding code defining human rights. Binding treaties
could follow later, she said. This decision may have been her
greatest contribution to the cause. For one thing, she harbored
few illusions about her own country. She knew how slowly improvement
came, for example, in the race situation in the American South.
She recognized that the Senate would be most unlikely to ratify
a human rights treaty that was binding. Then, too, she took
a dim view of the Communist countries. She recognized that when
they said that enforcement of human rights pledges should be
left to each government within its own country, they did so
to give themselves a dispensation from following the rules.
In such places, the Universal Declaration describes an aspiration,
not a reality. That may be no bad thing: Roosevelt may have
been right in believing that reaching global agreement on the
standards mankind would like to achieve is at least a step forward
". A World Made New Eleanor Roosevelt and the Universal
Declaration of Human Rights, by Mary Ann Glendon, Random House,
2001.
4. Je ne peux ici que référer au texte succinct
mais très précis et complet sur les transnationales
que nous a fourni le Professeur Rigaux et qu'on retrouve au
chapitre V de Bedjaoui, Mohammed (ed); Droit international,
Bilan et perspectives, Tome I, Ed. Pédone, Paris, 1991.
5. " Loin de constituer la loi suprême, les accords
commerciaux doivent être subordonnés au respect
de toutes les autres conventions internationales concernant
les droits sociaux et culturels de la personne, comme celui
de l'environnement et de l'OIT " Passet, René, Le
Monde diplomatique, Fév. 2001.
6. Le contexte mondial impose aux États de s'ouvrir aux
flux économiques. Or le droit international public fondé
sur la primauté du politique, s'en trouve déplacé
par l'exigence d'ouverture économique qui sert aujourd'hui
de prétexte à escamoter la volonté politique
ou démocratique. Dans ce contexte, l'idée de l'entreprise
nationale même semble dépassée et la définition
de la société transnationale devient impossible
avec la financiarisation des actifs et l'éparpillement
planétaire des actionnaires eux-mêmes parfois mondialisés.
Voir à cet effet le texte du Professeur Dimitri Uzunidis.
7. Notre ami Yash Tandon du Zimbabwe nous a mis en garde contre
une série de postulats faux: Ce ne sont pas les STN qui
sont les véhicules du capitalisme, mais le capital lui-même
qui est spéculatif et dématérialisé
et dont la volatilité constitue le plus grand danger.
Il faut donc aller au-delà des STN pour voir comment
les transformations du capital minent les économies du
Sud et la capacité d'action des États. L'action
ici systématique du FMI et de la Banque mondiale serait
beaucoup plus déterminante sur les pays du Sud que celle
des transnationales.
8. Serait-il utile alors de rappeler que " Entre le faible
et le fort, c'est la loi qui libère et la liberté
qui opprime " (Pascal, Les Pensées).
9. Les recours des entreprises pharmaceutiques contre l'Afrique
du Sud montrent bien que les transnationales préfèrent
payer localement dans un marché qui ne représenterait
que 1% du volume des ventes, plutôt que de se faire imposer
une règle qui les assujettirait aux droits économiques
et sociaux.
10. C'est par exemple l'article 317 du Code civil du Québec:
{317}. La personnalité juridique d'une personne morale
ne peut être invoquée à l'encontre d'une
personne de bonne foi, dès lors qu'on invoque cette personnalité
pour masquer la fraude, l'abus de droit ou une contravention
à une règle intéressant l'ordre public.
".
11. " Je définirais la mondialisation comme la liberté
pour mon groupe d'investir où il veut, quand il veut,
pour produire ce qu'il veut, en vendant où il veut et
en ayant à supporter le moins de contraintes possible
en matière de droit du travail et de conventions sociales.
" Percy Barnevik, Président de la société
helvético-suédoise ABB Industrial Group. Repris
dans le Devoir, Montréal, 5 mai 2001.
12. Madame Barshesky, US Trade Representative (NY Times, nov.6,97)
a déclaré à l'occasion du refus par les
membres du Congrès d'accorder un pouvoir de négociation
spécial au Président (Fast Track): " The
only question now is who writes the rules. And I say America
has never been in a better position to write rules than it is
today. Globalisation is US " On pourrait continuer longtemps
à se désoler sur les insuffisances du droit à
brider complètement la puissance et la force. Mais de
quel droit s'agit-il en fait s'il ne consacre que le droit du
plus fort?
13. Que la Sous-Commission de la promotion et de la protection
des droits de l'Homme nomme les " Principes relatifs au
comportement des sociétés en matière de
droits de l'Homme ".
14. Outre l'idée de conflit d'intérêt, c'est
le relent du système corporatisme qui pointe où
les intérêts privés regroupés se
voient conférer par l'État la capacité
de réglementer leur propre conduite. Il s'agit donc d'une
forme de privatisation de la fonction réglementaire qui
accepterait de soumettre la défense de l'intérêt
général par l'État aux impératifs
des intérêts privés.
15. Pour une définition juridique des transnationales
voir l'excellent texte déjà cité du professeur
Rigaux et qu'on retrouve au chapitre V de Bedjaoui, Mohammed
(ed); Droit international, Bilan et perspectives, Tome I, Ed.
Pédone, Paris, 1991.
16. Le projet d'un société de création
européenne ne pose pas ici de problème dans la
perspective de développement d'un droit de caractère
fédéral au sein de l'Europe unie.
17. C'est ici que le concept de contrôle peut intervenir
pour désigner la juridiction compétente.
18. Le professeur Rigaux a évoqué ici la possibilité
que par la technique ancienne de la 'protection diplomatique'
de ses ressortissants, un État puisse arriver à
ce résultat. Mais le recours à ce moyen reste
mal vu parce qu'historiquement, il s'est toujours agi d'appliquer
des règles occidentales à d'autres par et pour
les riches et les puissants.
19. La Cour suprême du Canada, (arrêt Valérie
Ford (15 décembre 1988)) a reconnu aux personnes juridiques
certaines protections découlant de la Charte constitutionnelle
des Droits. Cette théorie est acceptée aux USA
depuis qu'en 1819; la Cour suprême dans l'affaire Dartmouth
College a étendu la protection de l'article 1 para 10
de la Constitution aux contrats des corporations; réservant
le pouvoir réglementaire de l'État dans l'arrêt
Charles River Bridge (1837), on a cependant étendu la
protection du quatorzième amendement aux corporations
qui selon l'obiter dictum du Chief Justice Waite (Santa Clara
County 1886), " are persons within the meaning of the fourteenth
Amendment. ". Ce qui devait amener en 1978 à leur
accorder la protection de la liberté de parole au titre
du " corporate political speech " (First National
Bank vs Bellotti).
20. On pourrait s'interroger ici sur le caractère de
contrat d'adhésion de certaines des dispositions d'élection
de juridiction ou de législation ou de clause arbitrale.
Il est à noter par exemple que le Code civil du Québec
(art. 1379) définit le contrat d'adhésion comme
celui où 'les stipulations essentielles qu'il comporte
ont été imposées par l'une des parties
ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant
ses instructions et qu'elles ne pouvaient être librement
discutées'. Le contrat d'adhésion s'interprète
en faveur de l'adhérent, contre le stipulant (art. 1432).
Comme partout, est nulle la clause contraire à l'ordre
public.
21. Nonobstant l'interprétation extensive faite de l'avis
consultatif de la CIJ du 11 juillet 1949, " Réparation
des dommages subis au service des Nations Unies ", Rec.
1949, p. 185, qui confé rerait un statut juridique "
dérivé ". Voir le texte du professeur Bonet.
22. Étant entendu que cet État a préalablement
accepté telles obligations et tels recours. C'est une
des conséquences de la souveraineté que l'on ne
peut poursuivre le souverain que s'il a préalablement
accepté de l'être devant l'instance où il
le sera.
23. Les projets de textes en négociation pour la création
de la Zone de libre-Échange des Amériques (ZLEA,
FTAA en anglais, ALCA en espagnol et portugais) qui ont fait
l'objet d'une fuite concomitante au Sommet des Amériques
de Québec en avril 2001, comportent un projet de paragraphe
prévoyant l'indemnisation des investisseurs étrangers
pour pertes y compris d'occasion d'affaires et de profit résultant
d'évènements comme l'insurrection, le soulèvement,
l'émeute, la grève ou autre conflit civil (civil
strife) et autres évènements de même nature.
Bien sûr, telle compensation et possibilité de
poursuite et de réclamation est soumise à la condition
habituelle du traitement national, mais on a même écarté
cet élément dans le cas où l'on pourrait
imputer une négligence ou une réaction disproportionnée
de l'État qui réagirait à tels évènements
ou bouleversements sociaux. On trouve ce texte en anglais sur
le site <www.wtowatch.org/library/admin/uploadfiles/ FTAA_02_Report_on_Investment-D>.
Le ministre canadien a promis la diffusion de ces textes en
français dans un prochain avenir sur le site de son ministère:
http://www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/.
24. Il faut aussi tenir compte du fait que les institutions
financières internationales avec leur programme d'ajustement
structurel emprisonnent les États dans des conditionnalités
qui constituent autant de garanties pour les transnationales;
tout écart par rapport aux conditions imposées
se traduisant par un étranglement du crédit de
l'État récalcitrant; d'autant plus que l'aval
de la Banque mondiale conditionne souvent toutes les autres
opérations de financement.
25. On peut se demander cependant si ce problème existe
vraiment. C'est vrai que les juridictions continentales ont
élaboré des critères complexes pour déterminer
le lieu réel du siège en fonction du concept de
décision ou de contrôle. Mais le droit anglo-saxon
a lui aussi élaboré des règles qui permettent
de dépasser la fiction de la personnalité juridique
distincte et de soulever, comme ils disent, le 'voile corporatif'
pour considérer en certaines circonstances la responsabilité
du " holding ". C'est la théorie de l'"
Entreprise entity " exposé dans l'arrêt britannique
Smith Stone Ltd vs B;1939, 4 A.E.R. 116 qui élabore une
série de critères pour considérer le holding
comme alter ego de la filiale. Au Canada, l'affaire Famous Players
(1936) S.C.R.141 avait déjà permis à la
Cour suprême d'établir ce lien qu'une décision
récente a permis d'étendre à la responsabilité
pénale: (Buanderie centrale (1994).3 R.S.C.29. p. 46):
une entité corporative ne peut agir que par son âme
dirigeante, identifiée ou désignée par
le contrôle qu'elle peut exercer sur l'autre.
26. On désigne en anglais du terme SLAPP (Strategic Lawsuits
Against Public Participation) cette tactique qui consiste à
accumuler les recours contre les demandeurs qui épuisent
leurs ressources en vaines défenses et finissent souvent
par abandonner la partie: poursuite en diffamation contre le
groupe écologiste qui dénonce les actions de la
multinationale; poursuite au pénal pour avoir recueilli
des fonds dans le but de comploter pour commettre un libelle
criminel; requête en injonction pour que le tribunal interdise
aux demandeurs de continuer de diffuser de l'information; etc