LAS CONFERENCIAS TEMÁTICAS: 3ème Assemblée de l'ONU des Peuples
 

 

"Un autre monde est possible" Construisons-le ensemble

Rappel des faits

Les problèmes de la Terre et de l'humanité qui l'habite sont désormais connus. Au cours des dix dernières années ils ont été analysés en détail dans de nombreuses assises. On sait également tout ce qui reste à faire. L'Agenda du 21ème siècle a déjà été établi par les Conférences mondiales de l'ONU (sur les enfants, l'environnement et le développement, les droits de l'homme, la population, le développement social, la femme, les implantations humaines, l'alimentation, etc.) au cours desquelles les gouvernements et les organisations de la société civile du monde entier ont fait preuve d'une grande habileté dans l'analyse commune des problèmes et la définition de plans d'action concrets. En outre, les instruments d'intervention n'ont plus à être inventés.

Construire un monde plus juste, plus pacifique et plus démocratique est donc possible. Pour ce faire, et pour éviter d'être condamnés à la barbarie, pour affronter avec efficacité les exigences et les défis globaux de notre époque, pour "maîtriser" l'interdépendance planétaire croissante, il faut des personnes responsables, une société civile forte et des institutions démocratiques bien résolues à travailler conjointement pour promouvoir le "bien commun global".

Les Etats - ou les institutions qui ont la responsabilité première de répondre de façon constructive aux besoins des individus et aux problèmes du monde - ne sont pas en mesure d'intervenur efficacement s'ils agissent séparément. L'avenir du monde dépend de l'intensification de la coopération à tous les niveaux: non seulement entre les gouvernements mais aussi entre tous ceux qui peuvent et veulent apporter une contribution concrète.

Il existe, dans le monde entier, un très grand nombre de personnes qui se groupent et se mobilisent pour défendre les droits de l'homme, répondre aux besoins élémentaires des populations, promouvoir la justice, la paix et la démilitarisation, stimuler un développement équitable et durable, encourager l'égalité, la démocratie, le respect des diversités, la solidarité et le partage. Leur ferme volonté d'agir là où souvent les gouvernements et les institutions publiques échouent ou sont absents au-delà de toute nationalité ou de toute identité, représente une ressource extraordinaire qu'aucun gouvernement ou qu'aucune institution internationale ne peut se permettre d'ignorer ou de gâcher.

Au cours de ces dernières années, les organisations de la société civile ont su s'affirmer toujours davantage dans de nombreux domaines, aussi bien au niveau local qu'international, et ont été largement reconnues. Cependant, il s'agit souvent d'une reconnaissance "intéressée" et "apparente". Parfois on délègue à la société civile la gestion de certaines interventions humanitaires,ou fondées sur l'assistanat,que l'Etat considère marginales, tout en lui enlevant toute possibilité d'intervenir dans les domaines considérés comme relevant exclusivement de la politique, de l'économie et du pouvoir militaire.

En général la société civile est "autorisée" ou "tolérée" (encore que dans de nombreux pays elle ne soit même pas encore "admise") mais elle n'est pas reconnue en tant que sujet déterminant dans la gestion et la promotion du "bien commun". Les actions liées au contrôle, à la surveillance et à la dénonciation des activités des institutions ou des entreprises que la société civile exerce sont perçues avec toujours plus d'irritation par les politiques, les fonctionnaires, les diplomates, les dirigeants et, dans de nombreux pays, le prix à payer reste encore celui de la vie, de l'arrestation et de la torture.

Et pourtant, sans une société civile active et vitale, sans la collaboration des sociétés civiles et leur rapport étroit avec les institutions, aucun projet local ou global visant à améliorer la qualité de la vie ou à "assainir" la planète ne pourra être mené à bon terme. Voilà pourquoi toute conception "réaliste" de l'avenir doit comprendre:

1. des projets et des programmes visant à renforcer la société civile et les communautés locales au sein desquelles celle-ci agit quotidiennement;
2. la reconnaissance du rôle que les organisations de la société civile jouent et peuvent jouer en faveur de la paix, d'une économie de justice et de la démocratie;
3. le développement de la coopération entre la société civile et les institutions à tous les niveaux, du niveau local au niveau supranational, moyennant la diffusion d'une culture de la réciprocité;
4. le respect de l'autonomie de la société civile et sa non subordination au système politique ou économique dans la gestion des processus de développement;
5. le développement de la coopération entre les sociétés civiles des différents pays, en renforçant pour ce faire la vocation internationale des activités conduites ainsi que le rôle de la société civile globale.

A l'ère de l'interdépendance et de la mondialisation, les principales "ressources" concrètes de la société civile globale sur lesquelles il faut tabler sont les suivantes:

1. Le partage des valeurs humaines universelles comme la vie, l'égale dignité de toutes les personnes et de tous les peuples, la liberté, la solidarité, la paix, le développement humain, la démocratie politique et économique:
2. La capacité de saisir les signes des temps et d'agir afin que le droit international en matière de droits de l'homme - civils, politiques, économiques, sociaux, culturels, relatifs au droit à la paix, au développement, à l'environnement - l'emporte sur l'ancien droit international des Etats souverains, armés et repliés à l'intérieur de leurs frontières;
3. La volonté et la capacité de mettre en place des réseaux de coopération entre les groupes et les communautés au-delà de toute frontière;
4. La capacité de projeter et d'agir également dans les situations les plus difficiles;
5. La capacité d'informer et d'éduquer;
6. La capacité de stimuler les institutions, à partir des institutions locales, et de collaborer avec elles.

Le "pouvoir" des organisations de la société civile globale ne réside pas dans l'argent ou dans les armes mais dans la volonté d'"agir" sans se limiter à "dire" ou à "demander". Agir: avec compétence, en faisant preuve d'une bonne capacité d'analyser, d'élaborer des projets et de se mobiliser. Agir dans les endroits difficiles: pour ce faire, privilégier la prévention des conflits et la promotion de la croissance de la société civile là où la démocratie est encore vulnérable. Agir immédiatement: en prêtant par exemple secours aux victimes de diverses tragédies mais également en recherchant les causes, en remontant le courant pour intervenir à la source même des problèmes. La force de la société civile réside dans la capacité d'unir avec cohérence la dénonciation à la proposition et à l'action personnelle.

Quand un seul des ces éléments fait défaut (étude et connaissance, contrôle, dénonciation, proposition, action directe, comportements personnels), l'action de la société civile risque de perdre sa crédibilité et son efficacité.

La dégradation constante de la situation internationale et la nécessité de contrer la tentative en cours d'établir un ordre mondial hiérarchique, fondé sur la souveraineté des états nationaux, armés et repliés à l'intérieur de leurs frontières, sur l'égoïsme des intérêts nationaux, sur la loi du plus fort, sur la pratique sanglante de la guerre, sur l'exploitation des ressources humaines et naturelles des pays à l'économie pauvre, sur la violence et la dissipation de l'environnement, sur l'oligopole de l'information et de la communication, sur la spéculation financière au détriment de l'économie réelle du développement humain; autant d'éléments qui imposent à la société civile du monde entier de lourdes responsabilités auxquelles aucune femme et aucun homme ne saurait se dérober.

La paix avant tout.

La paix, comme le proclame l'art. 28 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, est un droit fondamental des personnes et des peuples. Sans la paix il ne peut y avoir ni développement ni démocratie. Sans la justice il ne peut y avoir de paix qui est promotion et respect des droits humains et sociaux, rapport correct et équilibré avec la nature, construction de conditions de justice et de démocratie pour tous les peuples. Cependant la paix ne peut être obtenue uniquement par l'action des Nations Unies et des Gouvernements. Au contraire, jamais comme au cours de ces dernières années ne sont aussi clairement ressorties toutes les limites et les responsabilités de ces institutions.

La plupart des occasions extraordinaires qui se sont présentées depuis la fin de la guerre froide et de la résiliation du Pacte de Varsovie ont été gâchées et le "dividende de la paix" n'a pas été utilisé à bon escient pour résoudre le drame tragique de la pauvreté et du sous-développement. Au lieu de mettre en place un nouveau système de sécurité commune, axé sur l'ONU, on a préféré relancer les dites "politiques de sécurité nationale" entendues comme la capacité d'un Etat de rechercher son "intérêt national" partout dans le monde et par tous les moyens. Au lieu de bannir toute forme de solution guerrière des controverses internes et internationales, on a voulu relégitimer la guerre et l'usage de la force, même au titre de la légitime défense préventive. Selon une mauvaise interprétation et une instrumentalisation du droit international qui s'est peu à peu mis en place à partir de la Charte des Nations Unies, on a inventé la théorie de la "guerre humanitaire" selon laquelle la violation systématique des droits de l'homme, où qu'elle se produise, représenterait une juste cause pour intervenir, même par la guerre. En réalité, alors que tout le monde sait que la "guerre humanitaire" du Kosovo est destinée à se répéter ailleurs uniquement si, et quand, une grande puissance et l'un de ses alliés auront intérêt à la faire, personne ne se soucie sérieusement d'empêcher que quotidiennement la vie de centaine de millions de personnes dans le monde ne soit placée sous le signe de la guerre.

Contre cette tragédie, la société civile globale doit avant tout promouvoir, à tous les niveaux, le rejet de la guerre en délégitimant les gouvernements et les institutions qui y recourent et violent le droit international des droits de l'homme, en démysthifiant la construction pseudo-juridique de la "guerre humanitaire" et en réitérant que les droits de l'homme doivent être protégés surtout préventivement: si ceux-ci sont largement et systématiquement violés, le rétablissement de la justice doit être poursuivi à travers des voies pacifiques et, là où c'est nécessaire, des actions de police militaire internationale qui sont par définition dénuées de l'esprit et des objectifs de destruction qui sont l'apanage de la guerre.

Aux Gouvernements et aux Parlements la société civile doit demander de:

1. Respecter les principes constitutionnels de la légalité internationale sanctionnés par la Charte des Nations Unies et les Conventions juridiques internationales en matière de droit de l'homme, comme le principe de l'égale dignité de tous les individus, le principe de l'interdiction de l'usage de la force pour la résolution des conflits internationaux et le principe de l'obligation de les résoudre pacifiquement.
2. Mettre fin aux guerres en cours et permettre à l'ONU d'exercer ses fonctions et ses pouvoirs en matière de prévention et de cessation des conflits, de maintien de la paix et de construction de celle-ci après les conflits, en faisant pour ce faire fonctionner un système approprié de sécurité commune de portée mondiale, en évitant que les divers pays ou les diverses alliences militaires ne se substituent au rôle et aux fonctions de l'ONU, en créant la force de police militaire internationale prévue par l'art. 43 de la Charte et en maintenant sous le contrôle des Nations Unies les systèmes régionaux de sécurité, conformément au Chapitre VIII de la Charte;
3. Réduire les dépenses militaires, encourager la réduction et la conversion des forces armées nationales en forces mises à la disposition de la police internationale au niveau mondial et régional, en investissant dans le déveloippement des pays pauvres; créer un corps civil international non armé, chargé de la surveillance du respect des droits de l'homme, de l'intervention civile et des activités visant à la construction de la paix;
4. Accélérer la ratification de la part des pays qui ne l'ont pas encore souscrit du Statut de la Cour pénale internationale approuvé par la Conférence de Rome et de son entrée en vigueur; réitérer qu'aucune impunité ne peut être accordée à quiconque s'est souillé de crimes de génocide et de guerre contre l'humanité;
6. Relancer le processus de désarmement (à partir de l'élimination totale des armes nucléaires, des armes de destruction de masse et des mines antipersonnelles) et réduire la production et l'exportation des armements en favorisant la reconversion civile et le contrôle de l'ONU sur le commerce des armes;
7. Reconnaître le droit fondamental de toute personne à l'objection de conscience au service militaire.

Prévenir les guerres et les génocides est la première façon de construire la paix et le premier objectif de l'ONU, tout en reconaissant les droits de tous: des femmes, des enfants, de tous les sujets vulnérables, des réfugiés qui fuient les guerres, des minorités. Il faut reconnaître à tous les peuples le droit à l'auto-détermination - exercé dans le respect des droits de tous et de la légalité internationale - en particulier pour les pays encore engagés dans les processus de décolonisation. Mais même face à un conflit ou à une guerre désormais en cours, la société civile globale a prouvé qu'elle est capable de procéder à de nombreuses interventions positives, comme par exemple:

· solliciter une intervention efficace de l'ONU et de la communauté internationale au titre du respect de la légalité internationale, en réclamant la reconnaissance du rôle des organisations de la société civile (en mettant sur pied entre autres un Conseil de personnalités jouissant d'une grande autorité et appartenant au monde de la société civile, de la culture et de l'art) dans l'établissement de la paix et la justice;
· comprendre les raisons des parties en lutte en toute impartialité, en condamnant les responsables des crimes et des violations des droits humains, avec la lucidité critique qui permet de distinguer les responsabilités respectives des populations, des gouvernements et des combattants;
· venir en aide aux populations, victimes innocentes de la guerre, et conduire une politique de coopération et de solidarité internationale appropriée dont le moteur seront les organisations de la société civile et les communautés locales, en surmontant les obstacles dressés par les gouvernements;
· aider ceux qui se refusent de participer à la guerre et tentent de résister, en soutenant les forces qui, sur le terrain, recherchent des solutions de paix;
· préserver les pistes de dialogue entre les deux parties, combattre la diffusion de l'image de l'ennemi et, ensuite, promouvoir la réconciliation et la reconstruction, en mettant en valeur le rôle des jeunes et des femmes en tant qu'artisans de la construction de la paix;

Plus généralement, les organisations de la société civile sont responsables de:

1. la diffusion d'une idée et d'une culture de la paix qui n'est pas la simple absence de guerre mais le droit de tout être humain à un ordre social et international au sein duquel tous les droits énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme puissent être pleinement exercés;
2. l'encouragement de la rencontre, du dialogue, de la coopération et de la solidarité entre les peuples dans le plein respect et la totale mise en valeur des différences qui enrichissent l'humanité; l'intensification des échanges, de l'information et de la communication réciproque entre les peuples et du rôle du dialogue interreligieux pour la paix;
3. Encourager l'éducation à la paix, au respect des droits humains, à la démocratie et à la non-violence, et ce dans le cadre de programmes spécifiques tant au niveau scolaire qu'extra-scolaire, compte tenu en particulier de l'année internationale des Nations Unies pour la diffusion de la culture de la paix.
Pour une économie de justice

Malgré les principes et les objectifs laborieusement établis mais confirmés avec optimisme dans les Déclarations et dans les Programmes d'Action annexés des Conférences Mondiales des Nations Unies, à partir de celle de Rio de 1992, l'injustice économique ne cesse de se répandre dans le monde entier et d'alimenter ainsi des conflits, d'accroître les profits d'un petit nombre et l'appauvrissement de nombreuses personnes, en augmentant les inégalités tant entre les pays du nord et du sud du monde qu'au sein des pays.

La mondialisation de l'économie, les politiques néo-libérales assorties de l'intensification de la compétition internationale, de la déréglementation et de la libéralisation, de la course aux réductions des impôts et des coupes sombres dans la dette publique, au lieu d'amplifier les possibilités de développement ne fait que renforcer la concentration du pouvoir, en particulier des grandes entreprises internationales ainsi que la domination des intérêts de la spéculation financière sur les intérêts de l'économie réelle. Ces tendances, associées à l'oligopole de l'information, ont de très graves répercussions sur les institutions politiques aux différents niveaux, en termes non seulement de crise de gouvernabilité mais également et surtout de déqualification et d'affaiblissement démocratique de celles-ci. L'incidence sur la qualité de la vie individuelle et collective est elle aussi dramatiquement négative: la fragmentation politique et sociale, l'insécurité du revenu et du poste de travail, la dégradation de l'environnement et l'homologation culturelle ne cessent d'augmenter.

L'économie de l'injustice est depuis longtemps au centre de l'attention de très nombreuses organisations de la société civile, du nord et du sud du monde, qui tentent d'intervenir au niveau local, national et international. Les objectifs substantiels de l'action de la société civile globale se résument en trois mots: démocratiser, redistribuer et coopérer.

1. Démocratiser l'économie signifie récupérer le contrôle politique et social sur les entreprises, la finance et les institutions internationales. Aux Gouvernements et aux Parlements la société civile demande avant tout de:

· confier aux Nations Unies réformées - et non plus à des groupes de pays riches comme le G7 - la tâche de gérer l'interdépendance dans l'optique du "bien commun" en leur permettant d'intervenir sur les choix économiques qui sont à la racine des problèmes globaux et de mettre en place un système financier mondial efficace, mis au service de la solidarité entre les personnes, les pays et les générations grâce à des mesures telles que la création d'un Conseil de sécurité économique et sociale démocratique et représentatif, la réglementation du système financier, la taxation des transactions financières (comme la Tobin tax), l'abolition des paradis fiscaux;
· procéder aux réformes nécessaires pour que le Fonds Monétaire, la Banque Mondiale et l'Organisation Mondiale du Commerce agissent dans le respect des principes et des engagements visant au développement durable fixés par l'ONU, en inversant l'imposition actuelle de conditions qui priviligient les intérêts des créanciers et non pas ceux des peuples, en garantissant la transparence, la participation et le contrôle démocratique de tous les pays et de la société civile;
· modifier les règles du commerce international qui donnent le pouvoir aux entreprises multinationales et empêchent le libre accès aux marchés aux produits des pays en voie de développement, en refusant les pressions exercées en vue d'obtenir de nouvelles libéralisations, comme dans les propositions du "Millennium Round" de l'OMC, et les objectifs figurant dans le projet de l'Accord Multilatéral sur les Investissements, quel que soit le contexte où ceux-ci se représentent;
· agir au sein de chaque pays, des entreprises et des lieux de travail où il faut protéger le travail et éliminer toutes les discriminations vis-à-vis des femmes.

2. Redistribuer signifie rebrousser le chemin qui conduit à augmenter sans cesse les inégalités. Aux Gouvernements et aux Parlements la société civile demande avant tout de:
· apurer la dette extérieure des pays appauvris, renégocier la dette des autres Pays du Sud et promouvoir la révision des systèmes d'octroi de crédits qui génèrent des processus insoutenables d'endettement, tout en veillant à ce que les ressources ainsi libérées soient utilisées pour éradiquer la pauvreté;
· se battre contre la pauvreté grâce à l'adoption de politiques cohérentes et de pactes locaux, nationaux et supranationaux susceptibles d'impliquer également les organismes locaux, les forces sociales et économiques et d'en soutenir le développement au niveau global moyennant les réformes agraires, le transfert de connaissances outre l'ouverture des marchés occidentaux;
· créer de nouveaux emplois, adopter une politique de plein emploi et redonner toute sa dignité au travail et aux travailleurs du monde entier, entre autres en comprimant pour ce faire le temps de travail et en garantissant un salaire minimum; faciliter l'accès paritaire des femmes aux ressources, à l'emploi, au marché et au commerce, soutenir le développement d'une économie sociale en mettant en valeur le rôle et les objectifs du "Troisième secteur" et stimuler l'acquisition d'expériences, même de petite échelle, capables d'offrir d'autres options concrètes à l'emploi;
· oeuvrer afin que dans le monde entier soient introduites et défendues les normes internationales qui interdisent l'exploitation du travail des mineurs et garantissent le respect des droits économiques et sociaux fondamentaux des travailleurs inscrits dans les Conventions fondamentales de l'Organisation International du Travail (OIT) et dans de nombreux autres documents internationaux.

3. Coopérer signifie ne pas abandonner à la compétition d'un marché non réglementé le destin de nos sociétés. Aux Gouvernements et aux Parlements la société civile demande avant tout de:
· renverser la tendance catastrophique de ces dernières années consistant à réduire les ouvertures de crédit destinées à la coopération internationale, en ciblant les interventions sur la promotion du développement humain, en acceptant une plus grande coordination internationale et en encourageant la coopération directe entre les communautés locales;
· orienter le marché de façon à satisfaire les besoins fondamentaux des individus et prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à tous l'accès aux droits sociaux élémentaires (le droit à la nourriture, à l'eau, à la santé, à l'éducation, au logement, au travail ...);
· adopter un modèle de développement durable sur la base d'une nouvelle conception de ce que l'on produit, de comment et pourquoi on le produit, en mettant un terme à la dégradation de l'environnement et en affrontant résolument les grandes urgences environnementales comme le réchauffement global, la destruction de la biodiversité, la déforestation et la désertification qui menacent la vie sur la Terre.

Le rôle des organisations de la société civile dans la construction d'une économie plus juste et plus durable ne doit pas se limiter à la dénonciation aux gouvernements nationaux, aux institutions, aux agences internationales et aux entreprises ni à la pression exercée sur ceux-ci pour les inciter à respecter leurs engagements, les droits de l'homme et les critères environnementaux.

Les initiatives et les expériences dont la société civile se fait la promotrice, tant au nord qu'au sud du monde dans ce domaine, sont tellement riches qu'elles ébauchent et anticipent un modèle différent d'économie et indiquent la voie à suivre pour obtenir un développement autre, des relations plus justes entre les pays et les peuples. Parmi celles-ci citons:
· le développement d'activités économiques dans ce que l'on définit le "troisième secteur", l'"économie sociale" ou l"économie informelle", particulièrement importantes dans les pays du sud;
· le soutien et la mise en valeur des ressources économiques, sociales et culturelles des communautés locales qui souvent sont ignorées du marché, en assistant les petites et moyennes entreprises, les coopératives, l'artisanat et le travail indépendant, entre autres dans les activités traditionnelles;
· la coopération décentralisée entre communautés locales des divers pays visant au développement de la connaissance et de la solidarité réciproque, des échanges commerciaux ainsi qu'au soutien aux communautés des populations autochtones;
· le soutien aux produits du commerce équitable et solidaire;
· -les institutions financières alternatives telles que les Banques éthiques, le microcrédit, un crédit qui privilégie les pauvres et les femmes, ainsi que tous les autres instruments de finance destinés à mettre en oeuvre une gestion éthique de l'épargne;
· la promotion de travaux socialement utiles;
· la réalisation de programmes d'autosuffisance alimentaire, qui garantissent également l'accès à la distribution des produits;
· la révision des modes de vie personnels et collectifs, y compris dans le cadre du monde de la coopération internationale, en éliminant pour ce faire les gaspillages et les excès, en contrôlant et en modifiant la consommation, en encourageant une "économie de communion", en lançant des campagne de boycottage, en pratiquant des bilans de justice, des formes d'écologie domestique, les adoptions à distance, le tourisme responsable, les banques du temps, le soutien aux projets de coopération avec le Sud;
· la création de réseaux et d'alliances de la société civile visant à intensifier la pression et le contrôle sur les gouvernements nationaux et les institutions internationales;
· l'accueil et l'intégration des immigrés étrangers qui représentent une ressource économique et culturelle.
Pour la démocratie internationale et une culture des droits de l'homme

Le voyage vers la démocratie est à peine commencé dans de nombreuses régions du monde alors que le processus rapide de mondialisation en cours demanderait la réalisation d'un développement tout aussi rapide de la démocratie internationale. Malheureusement, la faible disponibilité des états et des gouvernements à affronter systématiquement ce problème crucial est en train de gravement compromettre la paix, le respect des droits de l'homme et jusqu'à la coexistence elle-même. Au-delà des élections périodiques qui se déroulent dans un nombre toujours croissant de pays, les conditions de la démocratie, entendue comme une participation populaire authentique aux prises de décision dans le monde, sont alarmantes. D'une part parce que la reconnaissance des droits civils et politiques au sein d'un grand nombre d'Etat est souvent absente, ou tout au plus formelle, d'autre part parce que, à côté de la déréglementation économique, est en cours une déréglementation politico-institutionnelle qui récompense les plus forts et les concentrations de pouvoir.

Même là où elle existe depuis des décennies ou des siècles, la démocratie authentique est en train de se rétrécir.

 

Inverser cette tendance dangereuse n'est possible qu'à partir de l'épanouissement d'une société civile globale toujours plus consciente, attentive et "exigeante". La mondialisation de l'économie réalisée sans la mondialisation de la démocratie finira par rogner également ces étroits créneaux de liberté et d'autodétermination qui existent aujourd'hui. Voilà pourquoi il incombe à la société civile d'être vigilante et de dénoncer les limites et les manquements d'un système international dans lequel le droit et la démocratie sont facultatifs. Sans cet "investissement", tous les efforts visant à consolider le chemin de la paix et à promouvoir un développement équitable et durable sont voués à l'échec.

La surveillance exercée sur les activités des institutions publiques et privées au niveau local, national, régional et international est un élément essentiel du processus démocratique; voilà pourquoi elle doit être renforcée et protégée par la législation nationale et internationale. Ces activités sont également à la base des devoirs de toutes les assemblées électives et en premier lieu des Parlements, dont le rôle doit être renforcé et non pas affaibli comme c'est malheureusement le cas.

Aux fins de la consolidation et de l'expansion de la démocratie au sein des Etats il faut que la société civile organisée:
1. représente une stimulation incessante à la participation et à l'implication des citoyens à la gestion des affaires publiques;
2. mette constamment au premier plan la recherche du "bien commun" et la défense des droits fondamentaux de tous, femmes, hommes et enfants, par rapport à la défense des intérêts personnels;
3. Oeuvre afin que soit reconnu aux personnes et aux communautés locales le droit de faire elles-mêmes ce qui relève de leurs possibilités, en demandant à l'Etat de reconnaître l'autonomie de la société civile organisée, en assurant le respect sans réserve des droits sociaux, économiques et civils ainsi que du devoir de solidarité.

Pour le développement de la démocratie transnationale il est avant tout nécessaire que la société civile globale s'oppose avec résolution à la tentative en cours de:
1. diminuer au lieu d'augmenter le rôle politique de l'ONU et des autres organisations multilatérales au profit des Etats les plus forts et de leurs "coalitions";
2. mettre à l'écart la civilisation des valeurs humaines universelles, du supranationalisme et du transnationalisme soi-disant solidaire, du multi-latéralisme, civilisation concrètement mise en route par la Charte des Nations Unies et par le Droit international des droits de l'homme qui en découle;
3. exclure toute forme de contrôle et d'intervention démocratique de la politique sur l'économie et sur le processus de mondialisation.

En particulier, il faut que les organisations de la société civile demandent aux Gouvernements et aux Parlements de:
1. Rendre opérationnel le nouveau droit international qui se fonde sur la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et sur les Conventions qui en découlent;
2. Stimuler le développement et la démocratisation simultanée des Nations Unies, à commencer par les mesures suivantes: réformer le Conseil de Sécurité en le rendant plus représentatif et plus démocratique; promouvoir le contrôle de légitimité sur les actes du Conseil de Sécurité exercé par la Cour internationale de Justice; créer l'Assemblée Parlementaire des Nations Unies en tant qu'organe subsidiaire de l'Assemblée Générale actuelle; élargir les domaines de prise de décisions conjointes qui impliquent les organisations non gouvernementales; créer auprès du Palais un "Forum permanent de la société civile globale" susceptible de permettre une coordination stable des organisations supranationales des citoyens; rendre tripartite - pouvoir exécutif, parlement, société civile - les délégations nationales dans les divers organes des Nations Unies;
3. Promouvoir la démocratisation des institutions régionales, comme l'Union Européenne, en attribuant pour ce faire des pouvoirs accrus au Parlement et en favorisant la mise en place d'un réseau serré de sociétés civiles et d'Organismes locaux capables de jouer pleinement leur rôle en matière de propositions, de collaboration et de contrôle;
4. Promouvoir la réforme et la démocratisation des institutions économiques et financières internationales (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International et Organisation Mondiale du Commerce) en les replaçant sous le contrôle politique et la réelle coordination des Nations Unies.
5. Promouvoir la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme en créant une authentique culture des droits humains, par l'éducation et la sensibilisation aux droits sociaux, économique et civils et la reconnaissance de ceux-ci;
6. renforcer les mécanismes de surveillance des violations des droits de l'homme et se doter des organes appropriés pour exercer des pressions sur les gouvernements chaque fois que ceux-ci violent les droits humains, et ce même à titre de prévention de conflits armés et d'urgences humanitaires (comme c'est le cas toujours plus fréquemment depuis la fin de la guerre froide: Angola, Sierra Leone, Algérie, Kosovo, Timor oriental)
7. promouvoir les droits des minorités ethniques, religieuses et linguistiques et rechercher les voies appropriées pour assurer la participation aux processus décisionels internationaux même à des populations indigènes et non représentées;
8. renforcer les droits des femmes et des enfants et se doter d'outils efficaces pour récupérer les femmes et les enfants exploités par la prostitution, combattre le travail des mineurs et le recours aux enfants soldats;
9. se doter d'instruments valables pour faire respecter la justice internationale, en ratifiant le Traité portant création du Tribunal Pénal International et en alignant les législations nationales sur les normes internationales.

Pérouse, 25 septembre 1999

 




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